[Histoire de Meeples #35] L’Âge de Pierre Junior

Coucou les amis. Je m’appelle Denahi. J’ai cinq ans. Je vis dans une tribu de nomades dans les plaines du Zaman.

L’âge de pierre, c’est pas tous les jours faciles. On vient de passer un hiver rude. Entre le froid, la neige, et les meutes de loup, on n’a pas été tranquilles une seconde. Mais les saisons se sont radoucies. La verdure a recouvert les prairies. Les torrents se sont déversés des montagnes. Les arbustes se sont gorgés de baies sauvages, et le gibier a afflué dans les sous-bois.

Nous nous sommes installés dans une vallée cernée par des bois de feuillus, denses et regorgeant de nourriture. Nous avons construit des huttes, aux murs de terre glaise, et aux toits de paille tressée. Nous y séjournerons jusqu’à ce que nous ayons pu exploiter tout ce que la nature nous donnera. Les grands s’activent, pendant que les petits jouent autour des cercles de pierre, où les cendres des grands feux qui ronflent à la nuit tombée se reposent.

Les sages ont été perspicaces. Ce coin est un petit paradis. Nous y avons trouvé tout ce dont nous avions besoin. Je prédis que nous serons capables d’y rester jusqu’à la prochaine migration des grands troupeaux, ou jusqu’aux premières glaces. Si vous êtes d’accord, je vous emmène faire un tour. Excusez mon sens de l’orientation. Toutes les forêts se ressemblent. Parfois, je m’y perds un peu.

Ici, vous avez les grottes canines. On y a trouvé une race de chiens sauvages qui semble pacifique. Rien à voir avec les lynx des montagnes, ou les tigres à dents de sabre, qui sèment la terreur dans les alpages. Ces canidés-là sont chétifs et joueurs. Je n’avais jamais vu cette race auparavant. Ils ont le poil court, un mélange de blanc et de brun. Leur moustache frétille et ils se laissent approcher facilement par les enfants. Les adultes leur font un peu peur. Ils ont l’air de dire que ce n’est pas normal pour des bêtes sauvages d’être si gentilles. Ils disent qu’ils ne feront pas long feu, que le premier prédateur venu les dévorera. Moi, je ne veux pas y croire. Je suis sûr que j’arriverai à en domestiquer un avant l’hiver. Je l’appellerai Plume, parce qu’il sera tout doux et tout mignon.

Un peu plus haut, en sortant de la forêt, on tombe sur la plaine des mammouths. Je n’ai pas le droit d’y aller. C’est trop dangereux. Ces gros balourds pourraient m’écraser sous une de leurs énormes pattes sans même s’en rendre compte. Les grands s’y rendent de temps en temps pour voir si un vieux pachyderme est mort. Mais ils reviennent souvent bredouilles.

Les défenses de mammouths sont un matériau rare et exceptionnel. Souvent, on s’en sert pour faire des bijoux, ou on les grave pour les exposer dans la hutte du plus vieux sage de la tribu. On raconte que les esprits de la nature communiquent à travers les matériaux les plus nobles et les plus rares. Grâce à elles, on peut invoquer les morts, guérir les malades ou commander aux éléments. C’est pas des bêtises. Ce sont les chamans qui le disent.

Si on redescend le sentier, on arrive à la clairière aux myrtilles. On n’y trouve pas que des myrtilles. Aussi des fraises, des framboises. Et plein de plantes qui sentent bons et qui sont utilisées par les guérisseurs. Parfois, avec les copains, on s’y rend en douce pour y manger des baies. Mais on se fait souvent prendre, parce qu’on en ressort avec la margoulette toute violette. Les grands, ils nous disent qu’on gâche la nourriture. Alors ils essaient de nous faire peur avec des histoires d’ours qui rôdent dans les bois pour nous dissuader d’y remettre les pieds.

Cramponnez-vous, ça va monter. On se dirige vers la carrière d’argile. Le chemin est boueux. Ça chatouille entre les orteils. Moi, j’aime bien l’odeur de la glaise humide. Ça me rappelle le temps où Maman me déposait dans mon couffin, dans l’atelier de poterie, quand j’étais encore bébé.

L’argile sert essentiellement à faire de la vaisselle. Des bols, des assiettes, des pichets, des contenants de toute sorte. Il n’y a personne qui soit plus habile que le vieux Sitka. Il officie depuis si longtemps, qu’il est capable de faire une amphore parfaitement cylindrique les yeux fermés. Les sages disent que la nature a béni ses mains. Alors il transmet son don aux plus jeunes, en espérant qu’ils seront capables de prendre la relève. J’en fais un peu, moi, de la poterie. Je pourrais vous montrer mes créations quand on sera de retour au village.

Ça va ? Vous tenez le choc. Vous allez bientôt pouvoir souffler. Les carrières de pierre ne sont pas loin. Là-bas, on taille la roche pour confectionner des pointes de flèche et de lance. C’est un métier presque aussi important que celui des chasseurs. Ça nous a même changé la vie quand on a compris que cela pouvait nous permettre de tuer des petits mammifères, voire même des équidés sauvages.

La profession est dangereuse. Il y en a beaucoup qui se cassent des phalanges ou qui se blessent bêtement. Certains se retrouvent même avec le dos et les épaules complètement bloqués à force de casser, marteler et poncer les pierres à la force de leurs mains. Mais ils ne se plaignent jamais. Ils sont comme ça, les grands. Résignés.

J’espère que vous n’êtes pas frileux, parce que l’eau du torrent est glacée. Suivez-moi, en se laissant porter, on atteint facilement les zones de pêche. Il faudra remonter sur la berge avant, sinon on va faire fuir le poisson. Vous verrez, le spectacle est grandiose.

Les pêcheurs sont de sacrés acrobates. Ils utilisent de grandes nasses pour capturer les poissons qui remontent les courants qui viennent de la mer. La mer, c’est comme un lac, mais en dix fois, cent fois, plus grand. Les marchands qui vivent dans le sud et avec qui on fait du troc, ils nous racontent souvent des histoires à ce sujet. Mon rêve à moi, c’est de voir la mer un jour. Mais je ne sais pas si ce sera possible. Maman m’a dit qu’on ne quittait pas sa tribu. Alors, je crois qu’il va falloir que je me contente des récits des voyageurs.

Nous voilà au village. J’aperçois les huttes au loin. Alors, Est-ce que ça vous a plu ? Je ne vous ai pas menti. Cette année, on a vraiment trouvé un emplacement extraordinaire.  

Publié par The Lonesome Meeple

Féru de jeux de société et d'écriture, j'ai décidé de mixer ces deux passions en vous partageant des nouvelles ou de courts récits mettant en scène des parties de jeux de société.

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